C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Bangkok, 21 avril 1993

THAÏLANDE (4)
Dernier passage à Bangkok,
nous allons bientôt déménager notre “home” vers Singapour

Voici 4 mois exactement, nous arrivions à Bangkok pour la première fois. Demain, nous quitterons définitivement la Thaïlande qui nous a servi de plaque tournante. Direction la Malaisie.



Les préparatifs vont bon train. C’est d’ailleurs en train que nous allons descendre vers la côte est malaise, vous savez, là où les plages ont du sable aussi blanc que de la farine, et où les cocotiers vous font de l’ombre au bord d’une mer aux eaux turquoise et transparentes habitées de poissons multicolores extraordinaires nageant entre les magnifiques coraux miraculeusement préservés de la pollution. On se calme, inspirez !




Nous venons de réorganiser nos bagages : douze kilos de livres sont partis chez Antoine, ainsi que trois kilos de vêtements, et une tête de Bouddha khmer, une fausse achetée au Sofitel de Phnom Penh cinq fois plus cher qu’au marché !
Trente pellicules ont été expédiées chez Kodak en Suisse, et notre sac de dépannage est parti à Singapour chez Reliance avec nos deux jeans.
À propos, vous connaissez l’épreuve de la poste en Thaïlande ? Les fonctionnaires observent le règlement au pied de la lettre, je dirais même au pied du paquet ! La température ambiante, mêlée à l’appréhension du contact avec le postier baragouinant l’anglais, nous fait transpirer comme Johnny Halliday aux Palais des Sports. Il faut remplir ces deux formulaires en deux exemplaires ? Et sans carbone ? Il faut envelopper notre paquet dans du papier kraft ? Vous fermez maintenant pour le déjeuner ?

La rentrée scolaire est imminente après les fêtes du Nouvel An thaï. Ça s’affaire dans les papeteries, dont nous sommes de fidèles clients, et les marchands ambulants ont repris leur poste de combat à la sortie du lycée près de la guesthouse : épis de maïs cuits, brochettes de tofu, tranches de pastèque et de papaye, Fanta rouge ou vert que l’on verse dans un sac plastique avec des glaçons et une paille, cela évite de courir après les bouteilles.

Les arbres ont vu leur feuillage s’alourdir, et les fleurs donnent un petit air de province aux trottoirs enfumés ; des jaunes, des blanches, des lilas, et des rouges magnifiques sur les flamboyants.


Enfin, je ne pourrais pas terminer cette lettre et quitter la Thaïlande sans vous donner les dernières nouvelles de la famille royale, diffusées chaque soir sur une chaîne de télévision à 20 heures.


Le Roi Bhumipol reçoit beaucoup de visiteurs dans ses coquets appartements. La reine qui a été très belle, mais qui accuse maintenant une surcharge pondérale de vingt kilos aime bien aller se promener chez les plus malheureux qu’elle, ce qui laisse l’embarras du choix. 




Pendant ce temps, les enfants ne chôment pas : le prince prend souvent l’avion, mais rentre dîner le soir.




La fille aînée affectionne les conférences internationales où elle parle dans le micro.




Quant à la cadette, elle adore les pantalons bouffants et les chemises longues qui masquent ses avantages arrière. 




N’oublions pas Mamie, la maman de Bhumipol, qui, à plus de 80 ans, va encore inaugurer des hospices de vieillards, soutenue par deux hommes de confiance. On travaille dur dans les familles royales !



Phnom Penh, 17 avril 1993



Nous rendons visite à Sok Hen Sin, notre petite filleule, dans son village de Kompong Speu. La voiture de l’association a été mise à notre disposition et son dirigeant cambodgien nous accompagne pour faire les traductions.
Sok Hen Sin a 6 ans, elle est toute mignonne, mais très effrayée par ces deux Blancs arrivés dans une voiture. On en voit peu des voitures, ici.
Tous les voisins sont accourus avec leurs enfants, pour nous voir de près et jeter un coup d’œil admiratif sur les cadeaux achetés à Bangkok : des vêtements, des cahiers, des stylos et quelques bonbons et biscuits qui font l’unanimité des plus petits.
Sok Hen Sin, qui est orpheline, est élevée par sa tante, absente aujourd’hui ; alors, une vieille femme du village s’occupe d’elle et essaie de calmer sa peur. La petite a l’air en bonne santé, et porte la robe que j’avais envoyée l’année dernière.
Malgré l’aide du traducteur, il est extrêmement difficile d’obtenir des réponses aux questions les plus simples que nous posons : ira-t-elle bientôt à l’école ? De quoi sa tante vit-elle ? Ont-ils reçu la bicyclette ?
L’hésitation se lit dans les yeux des voisins, de la vieille femme et du traducteur lui-même. Les réponses sont contradictoires, et après quelques instants nous préférons ne pas insister. L’argent que nous versons ne nous donne pas le droit de les soumettre à un interrogatoire dont ils ne comprennent d’ailleurs pas le sens.
Nous quittons le village un peu frustrés, mais contents d’abord pu voir la petite.



Demain, c’est déjà le retour à Bangkok. Au revoir le Cambodge, on t’aime bien !

Phnom Penh, 16 avril 1993

La campagne électorale suit son cours. Un élément important rassemble tous les partis : la haine des Vietnamiens installés au Cambodge depuis parfois plusieurs générations.
Les Cambodgiens et les Vietnamiens ne s’aiment pas : Pol Pot a souvent envoyé ses Khmers Rouges reprendre d’anciens territoires devenus vietnamiens.
Le Vietnam, qui a délivré le Cambodge de Pol Pot, a fait figure d’envahisseur en prenant les rênes du pouvoir en 1979. Depuis le retrait des troupes vietnamiennes en 1989, l’animosité n’a fait que croître contre ceux qui, installés au Cambodge, sont toujours considérés comme des gens dangereux qu’il faut éliminer.  À propos de personnage dangereux, Pol Pot est toujours vivant et installé en Thaïlande, non loin de la frontière. Toujours prêt ?


Bouddha étêté au Mebon Oriental


Aujourd’hui nouvel an khmer. Beaucoup de monde au Wat Phom. Nombreux petits commerçants, chapeaux, nourriture...




Monument commémoratif d'un traité Franco-Siamois

[Fête du nouvel an au Vat Phnom]


Siem Reap, 15 avril 1993



Nous quittons Angkor heureux de notre séjour après avoir connu des conditions exceptionnelles. Peu de touristes sur les sites à cause du climat politique, et liberté de mouvement grâce à notre deux-roues. Maintenant, direction Phnom Penh !

Siem Reap, 14 avril 1993



La petite merveille du jour : le temple de Bantey Srei. Pas facile de s’y rendre, car il est à trente kilomètres de Siem Reap, sur un territoire plus ou moins contrôlé par les Khmers Rouges.
Au bout de deux jours de bouche à oreille, nous finissons par trouver une voiture et un chauffeur, que nous louons avec deux autres Français en vacances.



Après une heure et demie de route et de piste complètement défoncée et encore inondée par les pluies de la nuit, nous atteignons Bantey Srei, petit temple de grès rose, tout entouré de végétation, et entièrement recouvert de bas-reliefs qui ont résisté à l’usure du temps. Nous ne savons plus où donner de la tête, tant les frontons et les murs regorgent de détails.


Détail du fronton

Offrandes



Nous ne sommes que quatre touristes, mais des dizaines de Cambodgiens qui participent aux cérémonies du Nouvel An khmer devant le temple, s’y promènent avec leurs enfants, curieux mais méfiants.





Pour détendre l’atmosphère, des soldats munis de fusils et de lance-roquettes, assis à l’arrière du temple, écoutent  la radio. 




[Chanson à la radio]


Oui, sur chaque site, des soldats armés veillent à la sécurité des visiteurs ; ils sont jeunes, très jeunes, et ont peut-être la gâchette facile. Nous leur trouvons l’air agressif et menaçant, pourtant il suffit de leur dire bonjour, et un grand sourire illumine leur visage.






Siem Reap, 13 avril 1993

Statue au Banteay Kdei

Bas-relief au Banteay Kdei

[Chant des oiseaux au Banteay Kdei]

Aujourd'hui nous profitons de notre mobylette Honda pour parcourir le site et découvrir des temples de moindre importance où plus en ruines qui sont moins visités. Le Banteay Kdei, le Prak Khan, le Neak Pean, etc.


Fromager enserrant une galerie du Prah Khan

Statue étêtée au Neak Pean


Nous revenons à la terrasse du Roi lépreux aux étonnants bas-reliefs : danseuses, princesses, suivantes, serviteurs sur des dizaines de mètres de pierre sculptée.


Terasse du roi Lépreux



Siem Reap, 12 avril 1993



Notre coups de cœur du jour : le Ta Prohm.

Ta Prohm, qui n’a pas été dégagé de la végétation qui le dévore depuis des siècles. C’est l’image type d’Angkor, où la nature reprend ses droits ; les racines des fromagers forment des boas qui s’enroulent sur le moindre appui et semblent étouffer les pierres qui ne finissent pas lâcher prise. Tout est en ruine, les murs sont écroulés, d’énormes blocs de pierre barrent les passages.
Heureusement, des enfants toujours prêts à vous guider pour quelques riels, nous emmènent dans ce dédale qui est leur terrain de jeux. “Par ici, look, Madam, no head Madam, Pol Pot no good !” En effet, les pilleurs ont fait disparaître de nombreuses têtes de statues sur tout le site d’Angkor, les derniers en date étant les Khmers Rouges qui en tirent sûrement de bons prix sur le marché parallèle des œuvres d’art. Ils ont attaqué, il y a deux mois, le Conservatoire d’Angkor, où étaient entreposés des chefs-d'œuvre de l’art khmer, et ont emporté des dizaines de sculptures dont la valeur estimée serait de 500 000 $ ! Mais, n’oublions pas que ces vols existent depuis la découverte d’Angkor, et qu’André Malraux fit aussi partie de ces amateurs d’art.


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