C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Hanoï, 27 mars 1993



C’est avec plaisir que nous retrouvons notre chambre, chez Monsieur Hoang Suoc. Il est peut-être content de nous revoir, mais il n’en laisse rien voir. Difficile d’avoir une conversation avec lui bien qu’il parle un français élégant et vieillot. Il était ingénieur en électricité du temps de l’Indochine. Il est à la retraite maintenant, et vit avec sa femme et ses enfants dans un minuscule logis encombré de livres et de journaux. Il continue à bricoler des appareils électriques, et surveille d’un œil vigilant la propreté des chambres : à peine mettons-nous le pied dehors qu’un membre de la famille vient nettoyer le sol ou remplacer la bouteille thermos - l’eau chaude et le thé sont fournis dans les chambres partout au Vietnam.



Nous reprenons nos promenades dans Hanoï. Les rues offrent un spectacle sans cesse renouvelé.
Pour commencer, la chaussée. Traverser une grande artère continuellement sillonnée de cyclos, mobylettes Honda et bicyclettes imbriqués les uns dans les autres requiert de nombreuses qualités : tout d’abord de la patience, car les feux rouges sont quasi inexistants, puis une grande rapidité d’esprit pour repérer le bon moment et foncer en slalomant vers le trottoir opposé. C’est chacun pour soi ; la circulation, bien que lente, est trop dense pour nous permettre de traverser main dans la main, et les coups de klaxons nous font croire à chaque seconde que notre fin est proche. Les mobylettes ont des klaxons de voiture ! Imaginez la cacophonie !
Les trottoirs, maintenant. Défoncés, transformés en parking pour mobylettes et vélos, squattés par des marchands, ils laissent peu de place aux piétons. Seule solution, le caniveau, en essayant d’éviter la circulation.


Beaucoup d’animation dans le quartier des Corporations : on rencontre pas mal de Russes venant faire des achats. Les petites boutiques y vendent des vêtements bon marché, souvent des imitations des grandes marques occidentales, des objets de laque, des montres… russes. Les rues de ce quartier abritaient autrefois des dizaines de corporations, les fabricants d’éventails, de peignes, de cartes à jouer, les vendeurs de bambou, de crin de cheval, de nouilles ou de poisson fermenté.



Aujourd’hui, si les bannières rouges brodées flottent encore aux devantures des boutiques de Hang Quat, la plupart des autres corporations ont disparu, et seuls les noms des rues rappellent leur ancienne spécialité.
Cependant quelques métiers peu communs subsistent encore à Hanoï, en particulier celui de portraitiste : on lui apporte une photo d’identité noir et blanc avec col de chemise, et quelques jours plus tard, on repart avec un poster couleur avec costume cravate ! Étonnant, non ?


[Un chanteur des rues]


Pour une poignée de dongs, on peut aussi tirer quelques bouffées d’une pipe à eau, accroupi sur le trottoir.
Enfin, n’oublions pas ces dames qui se promènent avec leur sac à main au bord du lac Hoian Kiem, et qui nous accostent sans gêne :
- Combien ? demande Picou
- 11 000, répond la dame
- 12 000, c’est mieux !
- Non, la dame ne vend pas ses charmes ; elle les utilise seulement pour tirer le meilleur parti d’une éventuelle opération de change. Elle, et ses collègues de trottoir, travaillent pour la joaillerie d’en face. C’est plus ou moins toléré, et bien pratique ! Pas besoin de chercher une banque ouverte.


Pour le plaisir de revoir la petite maison d’Ho Chi Minh, nous refaisons le circuit mausolée-maison. Et nous repartons dans les marchés, dans les ruelles, nous déjeunons d’un bun bo dans un restaurant populaire, et terminons notre journée avec un sandwich baguette à la Vache qui rit. Oui, la baguette existe encore au Vietnam, on en trouve à tous les coins de rue, dans sa version mini. Quant à la Vache qui rit, elle côtoie le caviar russe dans de nombreux magasins !

Mince, j’ai oublié de vous parler de deux spectacles. Tout d’abord, les marionnettes sur l’eau, dans un petit théâtre à quelques kilomètres du centre-ville : la technique est très particulière car les marionnettes évoluent sur l’eau, les manipulateurs étant cachés derrière un rideau. Les scènes s’inspirent de contes et légendes du Vietnam, c’est la poésie et la nature à l’état pur : paysans, seigneurs, dragons, poissons, canards, oiseaux sont les héros magiques de ce spectacle plein de drôlerie. À conseiller.


[Spectacle des marionnettes]


Le cirque d’Hanoï, à ne pas confondre avec le cirque de Pékin ou le cirque de Moscou, car le spectacle n’est pas très professionnel. Ça rappelle plutôt le spectacle de fin d’année à l’école. Les spectateurs vietnamiens, qui ont peu de spectacles de distraction à leur disposition, rient de bon cœur tout en grignotant des graines de tournesol.
Je dois avouer que nous avons tenté de partir pendant l’entracte : mission impossible, les grilles sont fermées pour empêcher les resquilleurs d’entrer. Je me suis rabattue, moi aussi, sur les graines de tournesol.

Je ne peux terminer sans vous parler du phénomène Catherine Deneuve : nous avons rencontré le cyclo-pousse qui avait transporté notre star, un tailleur où elle s’est fait couper des habits - une photo dans la vitrine prouve son passage -, un libraire où elle a acheté des livres… Catherine Deneuve est devenue le symbole de l’ouverture du Vietnam. Même le président Mitterrand, qui est passé ici il y a quelques semaines, n’y pourra rien changer !

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