C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Calcutta, 4 octobre 1992

Ah, si nous avions pu réserver. Mais c’était complet ! En arrivant à la gare de Gaya, nous essayons même d’acheter le contrôleur des classes dites “supérieures” en manipulant innocemment un billet de cent roupies sous son nez. J’ai déjà vu Humphrey Bogart le faire, ça marche très bien. Dommage qu’à Gaya ils ne connaissent pas les classiques hollywoodiens ; on s’est fait jeter vers les secondes à banquettes et couchettes dures.
C’est archiplein, ça déborde de partout dans les compartiments et dans les couloirs. Si j’étais indienne, j’irais poser un quart de fesse sur une couchette occupée, et petit à petit, au fil des heures, je grignoterais centimètre par centimètre jusqu’à m’allonger et m’endormir en travers d’un autre corps assoupi. Mais je suis française, j’ai appris à respecter le territoire d’autrui ; je m'assois par terre au fond d’un compartiment, et j’essaie de dormir. Pas facile, ça crache, ça renifle, ça tousse, ça rote… Heureusement, la fenêtre ouverte remplace agréablement l’air conditionné.
Vers 3 heures du matin, François, qui a réussi à trouver un coin de banquette pour s’asseoir, vient me chercher car deux Indiens qui ont terminé leur nuit nous proposent leurs couchettes. Bonne nuit les petits !

Une petite appréhension nous saisit en arrivant enfin à Calcutta : nous voici dans la ville où les gens vivent dans des bidonvilles et meurent sur les trottoirs. Déjà, dans la gare, je scrute l’enchevêtrement des corps allongés sur le sol, recroquevillés dans la position du fœtus, les enfants qui dorment la bouche ouverte, serrés contre leur mère ; sont-ils vivants ? Respirent-ils ? Parmi tous ces démunis qui habitent la gare, il doit bien y avoir un mort ?
Le taxi qui nous emmène passe au-dessus de bidonvilles. Je ferme la vitre pour me protéger de la puanteur qui monte d’un bourbier où vivent des milliers de miséreux.

Nous trouvons notre havre de paix sur Sudder Street, à l'hôtel Fairlawn, juste en face de l’Armée du Salut dont les dortoirs accueillent de nombreux routards fauchés.




Le Fairlawn, complètement enfoui sous la végétation de son jardin, est une maison coloniale tenue par un vieux couple d’Anglais qui a préféré rester en Inde après l’indépendance. Nous voyons souvent leur vieille bonne indienne promener en laisse leur caniche blanc, et le rafraîchir de son éventail !
Colonnade verte, ventilos au plafond, murs décorés de photos de la Royal Family, d’articles de presse, de plans de ville ; pension complète obligatoire comprenant le five o’clock tea, horaires stricts, serveurs en habits, gants blancs troués et turbans jaunes. Le rétro s’avère très agréable au Fairlawn.
Et je ne vous parle pas de la chambre avec ses vieux livres, ses animaux en porcelaine ébréchée, ses rideaux à petites fleurs et ses meubles de cinquante ans qui ont déjà connu plusieurs couches de peinture.


Nous consacrons notre première visite à l’Indian Museum, au milieu de la foule du dimanche. Malgré les explications du guichetier, la salle des miniatures mogholes est introuvable, mais il nous reste les bronzes, les bouddhas ainsi que le spectacle des centaines de familles indiennes qui viennent arpenter les salles du musée au pas de course.
C’est la Promenade des Anglais !


Buste et maison de Tagore

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