Quitter Mahabalipuram n’est pas une mince affaire lorsque l’hôtel n’est pas en ville mais en bord de plage. Impossible d’aller prendre le bus, car le rickshaw n’arrive pas. Le taxi appelé en remplacement veut nous emmener à Pondichéry seulement, pas à la station de bus.
Nous apprenons à nos dépens, que les réceptionnistes des hôtels sont commissionnés par les chauffeurs de taxis, qui commissionnent sans doute les rickshaws pour qu’ils ne viennent pas chercher les clients. Et nous avons le plaisir d’emmener avec nous le réceptionniste, et de le déposer au bureau des taxis où il va encaisser sa commission. Restons calmes.
Nous n’avons pas fait une bonne affaire, le taxi ne connaît ni la route - il n’arrête pas de demander son chemin - ni Pondichéry où nous tournons pendant plus d’une demi-heure pour trouver le Grand Hôtel de l’Europe : six chambres qui donnent sur une terrasse au premier étage d’une maison coloniale. Attention, ici le colonial n’est pas anglais, il est français.
Séance d'écriture sur la terrasse de l'hôtel |
Le propriétaire, un Franco-Indien de 75 ans, nous reçoit, vêtu d’un simple dhoti blanc. Il est grand et maigre et parle un français aristocratique accompagné d’une gestuelle typiquement indienne : tout se passe dans la souplesse du poignet et des doigts recourbés. En hôte parfait, il nous explique que la demi-pension est obligatoire, et nous fait choisir le menu du dîner. Les repas sont pris dans le salon du rez-de-chaussée qui donne sur un jardinet, les tables sont dressées pour chaque chambre, dans un décor très rétro et plein de charme.
C’est ici que nous retrouvons Philippe et Martine, qui, logeant dans un autre hôtel et alléchés par les commentaires du Routard, ont réservé deux dîners pour ce soir. Nous ne faisons plus qu’une grande table, après avoir invité à se joindre à nous un Allemand qui dînait tout seul, puis un couple de Toulousains.
– Félix, Félix, apporte la soupe ! crie le patron
Félix arrive en traînant des tongs, une soupière fumante sur un plateau. Il remplit à ras bord les jolies assiettes de porcelaine.
– C’est trop, Félix !
– Allez mange, il faut manger, répond-il dans un français teinté d’accent créole.
Suivent les maquereaux à la tomate et aux aubergines, et le gratin de chou-fleur. Il faut encore se battre pour ne pas être servis deux fois. Au dessert, je baisse les bras devant la plus délicieuse crème caramel que j’aie jamais dégustée. Encore un peu, Félix !
L’ancien quartier français de Pondichéry est très calme ; les rues, perpendiculaires, sont bordées de villas en mauvais état, cachées par les fleurs et la verdure. On se croirait dans une petite ville de province : lycée français, monument aux morts de 14-18, statue de Jeanne d’Arc, terrain de pétanque, rue Dumas, Suffren, Romain-Rolland. Et surtout une Alliance Française apparemment dynamique qui fait de la publicité dans les rues et les journaux locaux.
Les Français sont assez nombreux ici : résidents et touristes se retrouvent au restaurant de l’Alliance Française, ou chez Aristo’s pour boire un cocktail de jus de papaye et citron vert. L’ambiance est branchée, les filles bronzées, St Trop’-Deauville, quoi !
Les Français sont assez nombreux ici : résidents et touristes se retrouvent au restaurant de l’Alliance Française, ou chez Aristo’s pour boire un cocktail de jus de papaye et citron vert. L’ambiance est branchée, les filles bronzées, St Trop’-Deauville, quoi !
Dans la partie indienne de la ville, à quelques blocs de là, l’animation est à son comble, les ruelles et le marché grouillent d’une foule exubérante qui se prépare à une nouvelle nuit de fête à l’occasion de Divali.
Impossible de quitter Pondichéry sans parler d’Aurobindo. Son ashram, dont le but spirituel est de mettre à la disposition de ceux qui le désirent un lieu de travail sur soi, de méditation, et de yoga, est devenu une grande entreprise capitaliste : hôtels, boutiques, usines, laboratoires, clinique, fermes, nous sommes à Aurochéry !
En 1968, Sri Aurobindo fut aussi l’instigateur d’une ville, à dix kilomètres de Pondichery, Auroville. C’est ici que devaient pouvoir vivre et travailler 50 000 personnes, dans une cité universelle ouverte à tous, quelles que soient la croyance ou la nationalité. L’idée est belle, mais la réalisation difficile. La mort de Sri Aurobindo, la mégalomanie mystique de sa compagne, surnommée La Mère - qui meurt en 1973 -, les problèmes financiers et humains, ont ralenti la construction de la ville qui ressemble encore à un chantier.
Le Matri Mandir en construction à Auroville |
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