C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Tanjore, 27 octobre 1992

Nous quittons Pondichéry en compagnie de Martine et Philippe avec lesquels nous avons décidément beaucoup d’atomes crochus.
Un bus nous mène à tombeau ouvert jusqu’à Chidambaram. Malgré les secousses et les coups de klaxon, l’homme assis à ma gauche s’est endormi, et sa tête repose maintenant sur mon épaule. Mais dort-il vraiment ? A chaque dos d’âne, il me semble sentir sa main qui glisse insensiblement vers ma poitrine. Soudain, je sens un pincement au sein gauche. Que faire ? Sauver la réputation des femmes blanches ! Je lui donne une tape sèche sur la main, il se lève aussitôt et descend du bus sans rien dire.

Nous sommes maintenant dans le temple de Chidambaram pendant la puja du soir. Un vrai décor pour Tintin : dans la pénombre, faiblement éclairés par des lampes à huile, des brahmanes à la coiffure bizarre accomplissent des gestes rituels et reçoivent les offrandes des nombreux fidèles, au son des trompes et des clochettes. L’ambiance est au recueillement et à la dévotion. Très impressionnant.
Nous rentrons à l’hôtel en rickshaw à travers les rues sombres où éclatent de tous côtés les pétards de Divali. Nous avons l’impression de traverser un champ de mines. (Continuez sans moi, je suis touchée. Argh…)

L'acteur tamoul Kamal Hasaan

Le lendemain matin, nous retournons au temple pour le voir sous le soleil : assis au bord du bassin sacré, nous regardons les brahmanes se purifier dans l’eau verte.

Bassin et gopuram du temple de Chidambaram

Des enfants nous rejoignent : une jolie fillette aux couettes fleuries de jasmin vient poser devant les objectifs de François et Philippe.




Pour rejoindre Tanjore, nous décidons de louer un taxi. Comme d’habitude, les négociations s’accompagnent d’un attroupement de badauds, pendant que quatre ou cinq chauffeurs étudient l’itinéraire sur notre carte routière. Le marchandage se passe dans la bonne humeur.


Nous prenons la route de Tanjore, nous arrêtant plusieurs fois pour mieux goûter les scènes de récolte du riz avec les paysans du coin : la chaussée est complètement recouverte de paille, car ce sont aussi les bus et les voitures qui séparent le grain de la paille ; les hommes, torse nu et les femmes en sari vannent le grain et l’étalent par terre pour le faire sécher au soleil. Les rires fusent lorsque nous nous joignons à eux pour retourner la paille qui sèche. et passer quelques moments ensemble, rien que pour le plaisir.

Nandi au temple de Gangaikondacholapuram

Les temples sont tous plus étonnants les uns que les autres : Gangaikondacholapuram, Kumbakonam, Darasuram. Partout, nous sommes les seuls visiteurs étrangers parmi les touristes et les promeneurs indiens. Nous avons l’impression d’être des découvreurs.

Enfants à l'entrée du temple de Darasuram

A Darasuram, un vieux brahmane décharné nous explique le moindre recoin du temple d’Airavateshwara, et nous tient en haleine avec ses comparaisons entre les grandes légendes indiennes et la Bible ! Quelle culture il a, quel plaisir nous prenons !


A peine avons-nous le temps de déjeuner dans un troquet chaleureux où les feuilles de bananiers taillées en rectangle remplacent les assiettes. Plusieurs serveurs se promènent entre les tables et resservent à volonté du riz, des légumes, des lentilles ou de la sauce avec leurs grandes louches. Bien sûr, on mange avec ses doigts. A la guerre comme à la guerre !
La journée suivante est aussi exaltante que la précédente.


Nous passons la matinée dans le temple de Brihadeshvara tout en nous laissant porter par les événements. Les touristes indiens s’intéressent plus à nous qu’au temple : une femme saute au cou de Martine en apprenant qu’elle est française et lui offre des bananes, une autre nous donne des fleurs à piquer dans les cheveux, on vient nous réciter des poèmes dédiés à Shiva. Jamais je n’ai ressenti autant de joie de vivre et de chaleur humaine. Ici, personne n’attend rien en retour, personne ne demande de roupies, de stylos ou de bonbons ! Au fait, le temple est superbe.

Fresques murales au temple Brihadeshvara

Je n’en ai pas encore terminé avec Tanjore : les plus beaux bronzes Chola sont exposés dans le palais du maharaja, transformé en musée. Oh, le Shiva appuyé sur Nandi (ce dernier a disparu) ! Quelle grâce, quelle précision dans le détail, les colliers, les bagues, les bracelets et les ceintures, le quartier de lune dans la coiffure-turban, la fleur sur l’oreille gauche. Vraiment, ces journées resteront gravées dans notre mémoire !

Bronze Chola de Parvati

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