C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Srinagar, 2 août 1993


Ce n'était peut-être pas une si bonne idée de venir au Cachemire.

D’abord, un petit topo historico-géographico-politique sur la région : le Cachemire, qui est musulman, est revendiqué par le Pakistan et par l’Inde. Depuis la guerre indo-pakistanaise de 1965, une ligne de cessez-le-feu divise le Cachemire entre les deux pays.
Srinagar est la capitale du Cachemire indien où les indépendantistes, soutenus par le Pakistan font régner une atmosphère de guerre civile : l’armée indienne s’est installée au Cachemire il y a quatre ans, pour essayer de contrôler la situation.

Nous découvrons une ville morte totalement investie par les militaires : abris de sacs de sable d’où émergent les canons des fusils, et des mitrailleuses, des soldats partout en ville, toutes les boutiques fermées - c’est la grève - et personne dans les rues, car c’est le couvre-feu depuis ce matin : une famille musulmane a été tuée hier par des soldats indiens.

À la descente du bus qui nous amène de l’aéroport, nous devons passer au poste de police pour inscrire nos noms sur un registre. Nous sommes six touristes réunis dans le petit bureau ; dix propriétaires de house-boats nous attendent déjà à la sortie, tous plus agressifs les uns que les autres.


Nous avons déjà logé dans un bateau en 1988, et nous savons que cette solution ne laisse pas suffisamment de liberté pour se déplacer. Nous devons beaucoup insister pour que le rickshaw nous emmène jusqu’à un hôtel en ville. Nous avons alors la confirmation que l’armée a réquisitionné les hôtels. Picou est de mauvaise humeur.
Bon, va pour un house-boat. De toute façon un propriétaire de bateau est déjà dans le rickshaw depuis le départ, et nous mène en shikara jusqu'à un house-boat, le Sharin.

A priori, un house-boat, c’est très agréable : bois de cèdre, seulement deux ou trois chambres, une salle à manger, un salon, une véranda à l’arrière et des tapis partout. C’est ancré au bord du lac près du house-boat du patron ; ses enfants et sa femme font la cuisine et servent les visiteurs.

On peut rester des heures sur la véranda, ou mieux encore, sur le toit plat, pour regarder les montagnes qui se reflètent dans les eaux calmes du lac Dal, les shikaras qui passent sans bruit - pas de moteur, seulement une rame ; tantôt, c’est le fleuriste avec son étonnant tapis de fleurs multicolores, tantôt l’épicier qui propose du miel ou du safran, ou le teinturier qui passe prendre le linge ou le rapporter.


Notre unique voisin de chambre est un Chinois de Hongkong. Apparemment, tout va bien.

Alors, ça cloche où ? Ça cloche avec la famille propriétaire du bateau : le père, déjà un peu gâteux ne pose pas de problème ; mais que dire des deux fils, Nazir et Youssef ? Plus menteurs par omission ou exagération, plus hâbleurs, c’est pas possible ! “My friends, we want you to be happy with us, you are our family” etc. Et que je te propose d’acheter des tapis, des meubles, des bijoux, des vestes en cuir, des promenades en shikara, du papier mâché… Et surtout, ce sont eux qui décident de nos sorties, puisque nous sommes tributaires de leur shikara.

Pourtant, nous devons absolument aller en ville pour réserver les billets de bus pour Leh.

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