C'est l'histoire d'un couple qui, arrivé dans la quarantaine, s'organise pour partir un an, en congé sabbatique, sac au dos, en Asie.
Petit détail : ceci s'est passé en 92-93 !
Après relecture de Routards & Cie, que Sally avait rédigé à notre retour, nous avons décidé d'en faire un blog d'une durée d'un an en respectant le texte original et sa chronologie afin d'y retrouver les émotions de l'époque.
Les 675 photos, les 65 documents scannés, les 12 dessins, les 125 vidéos et les 95 enregistrements sonores sont d'époque aussi.
Bonne lecture !

Srinagar, 3 août 1993



Première sortie ce matin : nous partons avec “Hongkong”, qui doit résoudre ses problèmes d’avion, et Nazir qui dit veiller sur notre sécurité !

Il disparaît rapidement dès que les voitures de l’armée sillonnent les rues et que les haut-parleurs lancent des messages en urdu ou en cachemiri.
Nous continuons vers la gare des bus où nous trouvons les bureaux fermés : “Sorry Madam, today is strike, come back tomorrow !”

En chemin, nous croisons quelques attardés qui nous disent : “Curfew, curfew !” N’est-ce pas ce mot anglais qui vient du mot français “couvre-feu” ? Vite, on rentre !

Pardon, Monsieur le Militaire avec le gilet pare-balles, le casque sur la tête et la mitraillette à la main, vous ne voulez pas que nous passions par ici ? Y a une manif ?! Comme c’est embêtant, nous allons prendre de l’autre côté de la rivière, alors. Merci Monsieur le Militaire !
L’ambiance monte, les manifestants scandent des slogans le poing tendu vers le ciel, et soudain, les soldats passent à l’action en tirant en l’air. Les Cachemiris semblent être habitués à ces confrontations, et les observent sans grande émotion.
Mais nous, essayez de comprendre, c’est notre première fois ! Nous sommes accroupis derrière un rickshaw, alors que les coups de feu se font de plus en plus nombreux. Nous ne sommes qu’à vingt mètres de la fusillade dont nous sommes séparés par la rivière.

Qui c’est, la dame en noir qui nous fait signe de la suivre, là-bas ? On y va ? Pliés en deux, nous courons vers elle : elle nous fait entrer dans sa petite maison de bois au-dessus de la rivière ; derrière ses fenêtres sans vitre, sans volet, sans aucune protection, nous sommes aux premières loges pour observer les événements ou choper une balle perdue. Les soldats ont beau tirer en l’air, on dénombre cependant de nombreux blessés par balle. C’est quand elles retombent ?

La femme en noir gémit et marmonne tout en nous préparant du thé local, si délicieusement parfumé à la cardamome et au safran ; quand les coups de feu reprennent, elle nous fait allonger à plat ventre, nous ne pouvons même plus boire notre thé tranquillement !
Au bout d’une heure, alors que la manifestation s’est déplacée, nous remercions notre hôte avec des pommes et quelques roupies, et filons aussi vite que possible jusqu’à ce que les bruits de fusillades ne soient plus audibles. Nous tombons sur le marchand de cartes postales qui nous propose de nous emmener dans sa shikara jusqu’au Sharin.

Évidemment, nous passons le reste de l’après-midi à nous remettre de nos émotions : je ne tiens pas à renouveler une telle expérience, même si j’ai pu garder mon calme, je ne suis pas faite pour les situations à risque.

La journée de revendications continue très tard, puisqu’à 23 heures, quelqu’un s’empare du micro de la mosquée voisine ; non, ce n’est pas le muezzin qui appelle à la prière, mais les militants musulmans qui clament à tue-tête l’indépendance du Cachemire. A-za-di ! A-za-di ! De quoi donner la chair de poule, âmes sensibles s’abstenir !

[Foule scandant des slogans d'indépendance]

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